Void/vide
La nature même de l’image est de donner à voir : des lieux, des situations, des événements, des personnes. Paradoxalement, le travail photographique d’Avivit Segal cherche à faire disparaitre pour inviter à se concentrer sur l’essentiel. En utilisant la technique de la surexposition elle crée des zones de vides, des espaces blancs, dans une quête de l’image “nue”, intemporelle.
Si traditionnellement en occident la tendance était à chasser le vide, la confrontation entre l’occident et l’orient a nettement contribué à faire évoluer cette vision. Dans le Taoïsme le vide se trouve à la confluence entre deux énergies vitales le Yin et le yang. Il a gouverné et régit l’existence de la peinture chinoise jusqu’à ses artistes les plus contemporains.
Cette confrontation a permis aux artistes occidentaux du XXe s de commencer à questionner sa présence. Kazimir Malevitch avec son carré blanc sur fond blanc en sera le précurseur le plus radical. Suivront Marcel Duchamp, Yves Klein, Lucio Fontana, Robert Irwin …
Leurs différentes expérimentations donneront même lieu en 2009 à une exposition au Centre Pompidou « Vides, une rétrospective » présentant neuf salles dénuées d’œuvres. Radicalité plastique, revendication économique, questionnement de l’imaginaire… telles étaient les différentes recherches artistiques évoquées.
D’une religion à l’autre, d’une culture à l’autre l’appréhension du vide diffère. Tantôt le rien, tantôt le plein. Il est pour Avivit Segal un espace de projection mentale qui pousse à la réflexion, ou à l’évasion. Il permet l’appropriation de l’image dans le sens où elle contient, sans idée précise de temps ou d’espace, une forme d’universalisme.
Dans le travail d’Avivit Segal, l’apparente banalité du réel se transforme en poésie de l’instant. La nature y tient une place essentielle. Alors que dans sa première série des « Plages » l’artiste représente un espace infini où le blanc domine, sa deuxième série des « Végétaux » présente en plan resserré des lignes et arabesques qui remplissent l’image. Si les deux séries paraissent radicalement opposées, elles sont pourtant complémentaires dans le cheminement de l’artiste. Fortement influencée par les philosophies orientales, Avivit Segal fait ici référence à la pensée Taoïste selon laquelle le plein n’existe pas sans le vide.
Margalit Berriet / Marie-Cécile Berdaguer
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"Les photographies de l’artiste Avivit Segal, présentées dans l’exposition VOID proposent la rencontre entre photographie concrète et image abstraite.
L'étendue blanche qui survient grâce à la surexposition est d'une grande importance dans son travail. Elle est l'intermédiaire entre les mondes physiques et métaphysiques, entre le révélé et le caché. Manifestant une présence manquante, l'espace simule le silence entre les mots d'une part, et renforce les images d'autre part.
Dans la quête du vide Segal cherche à imprimer les traces sur le paysage, pour atteindre la clarté intemporelle et la condensation, qui font qu’implicitement les images ressemblent à des peintures. Les photographies blanches créent une réalité en dehors du temps ou d’un lieu qui peut être démontée et réassemblée à volonté.
Chaque œuvre dans l'exposition se représente de manière autonome mais en même temps, présentées conjointement, elles détournent le regard du spectateur du spécifique vers l'ensemble. Regroupées les photographies forment une riche mosaïque de photographies personnelles magnifiquement conçues et revitalisées par l'artiste.
La photographie, un medium contemporain central, peut documenter des lieux spécifiques ou des époques, mais il peut aussi créer de nouvelles réalités. Dans son travail, Avivit Segal démontre que capacités d’observation, son talent pour décoder la réalité et sa faculté à susciter émotion et réflexion."
Daniella Talmor
Curateurs: Daniella Talmor commissaire indépendante et ancienne commissaire en chef du Haifa Museum of Art.
Margalit Berriet & Marie-Cécile Berdaguer [MDA].