La peinture d’Evan Bellin est un combat contre les faux semblants, contre les limites que l’on se fixe dans sa compréhension et perception du monde et des autres. Elle est dure, sans concession, elle ne laisse aucun répit.
Dans son travail figurent principalement des êtres et des corps en souffrance. On retrouve des scènes qui traduisent des comportements représentatifs de pathologies psychiatriques comme celles liées aux troubles alimentaires. Mais aussi des scènes de films d’épouvante ou des scènes d’épouvante tout court, réinterprétations d’archives photographiques de guerre, et notamment d’exécutions perpétrées pendant la seconde guerre mondiale: une mise en parallèle entre fiction et réalité.
Et c’est en effet le réel que le peintre interroge et se met au défi de représenter. Articulant des concepts philosophiques et psychologiques, le « réel » tel qu’il le conçoit, est dépourvu de tous critères subjectifs. Au-delà de la perception sensorielle, des souvenirs et de la mémoire, qui varient d’une personne à l’autre, d’un moment à un autre, une histoire universelle se révèle.
Peut-être est-il important de préciser qu’Evan Bellin est psychiatre et psychanalyste de métier. Pourtant si l’artiste peut être influencé par les comportements et pathologies qu’il rencontre, il insiste sur le fait que ses peintures sont issues de mouvements spontanés de l’esprit. Rien n’est imaginé, calculé ou pensé à l’avance. Il peint sans se soucier de l’impact que ses œuvres pourraient avoir sur celui qui les regarde.
Sa peinture est expressive. Même si les visages sont troubles et dépersonnalisés, ils ont le pouvoir de traduire l’effroi, la tristesse, le désarroi ou la « folie ». Passés à travers son propre filtre, il traduit de manière étonnante et très personnelle ces émotions. Pour expliquer ce trait caractéristique de sa peinture, il fait une analogie avec son métier de psychanalyste et l’attitude qu’il adopte vis-à-vis de son patient : être derrière lui, éviter le face à face pour éliminer les illusions et laisser s’exprimer l’inconscient du patient sans qu’il soit perturbé par les réactions de son thérapeute. Le visage du patient est aussi dépersonnalisé pour le thérapeute, ce qui lui permet une concentration sur sa parole et son analyse.
Selon l’artiste, pour atteindre le « réel », il faut exagérer le trait, le déformer, mettre au défi la beauté, la symétrie des corps, éviter la ressemblance pour arriver à une clarté du sujet. Cela lui permet de se piéger lui-même dans un nouveau monde et ainsi de se déconnecter des images qui nous inondent quotidiennement et qui modèlent notre imaginaire.
Cette exposition Psyché a pour but de questionner la perception de l’autre, de la maladie, des limites que posées à tel ou tel comportement, à la normalité.
Margalit Berriet et Marie-Cécile Berdaguer
Commissaires de l’exposition
avec Doron Polak directeur de l’Artist Museum à Givataim - Israël