Et si, aujourd’hui, alors que nous vivons de multiples crises, et notamment une crise spirituelle sans horizon métaphysique, sensible, l’art était encore porteur de cette possibilité d’être un lieu de rencontre entre le surnaturel et le naturel , entre l’extraordinaire et le quotidien, entre l’intangible et le tangible ?
L’Art, à ses origines, possédait des fonctions magiques ou sacrées : il permettait de relier l’être humain à d'autres réalités - monde des esprits, monde des ancêtres ou encore forces de la nature. C’était un moyen d’agir sur ce qui était de l’ordre de l’incontrôlable, d’influencer le cours des choses ou de s’assurer les bonnes grâces des divinités. L’art était un médiateur, un moyen de communication entre deux réalités, deux mondes.
Autrement dit, l’art – création artificielle d’une image - était un acte de transgression initié par un être humain bravant les interdits et les limites de sa condition pour comprendre l'univers; il apparait d’ailleurs avec les grandes questions de l’existence, les premières sépultures, et donc, avec la naissance de la conscience.
Ces objets permettaient de matérialiser ce qui est de l’ordre de l’intangible, de l’invisible. Les objets – sacrés – habités, investis d’une charge spirituelle étaient utilisés dans le cadre de rituels, accompagnés de musique et de danse dans l’objectif de transformer, de métamorphoser la réalité, ou de conjurer un sort. Jadis, aussi, on pratiquait les arts divinatoires, tandis que l’alchimie était considérée comme l’art suprême de la transmutation.
Tout au long de l’histoire de l’humanité, des artistes n’ont cessé de perpétuer cette tradition d’un art messager, d’un art symbolique, renouant avec la fonction du chamane. Ainsi, le surréalisme entrait en contact, via des procédés artistiques, avec la puissance de l’inconscient et le monde des esprits. Le dripping de Pollock était inspiré des rituels des Indiens Navajo. Basquiat, de même que nombre d’artistes contemporains haïtiens, se nourrissait du Vaudou. L’art brut, l’art naïf et l’art populaire ont parfois été les porte-paroles d’une étrange réalité invisible. Certains artistes ont réalisé des œuvres protectrices, guérisseuses, comme Louise Bourgeois ou Annette Messager, tandis que les poupées de Michel Nedjar ressemblent à des poupées vaudou. Les performances artistiques elles-mêmes auraient pour origine les rituels ou rites de passage.