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HOME is where the HURT is.
HOME – le FOYER nous renvoie à la notion d’un lieu où l’on se sent en sécurité, aimé, choyé, un lieu de convivialité, un lieu où l’on se retrouve. L’expression originale : « HOME is where the HEART is » ( « la maison est où le cœur est » ) retranscrit bien cette image intime et chaleureuse. Pourtant le FOYER peut aussi devenir un lieu de retranchement, d’abandon, de solitude et de souffrance.
RONI BEN ARI (artiste multimédia - journaliste) et MEIR RAKOCZ (photographe – médecin), se sont intéressés respectivement, en utilisant le médium de la photographie, à la vieillesse et au rapport de l’homme face à la maladie et à la différence.
Etre malade, vieillir c’est voir le regard des autres changer. C’est être mis à l’écart ou se mettre à l’écart.
Les artistes nous interrogent ici sur notre rapport au corps.
Faut-il être « beau », jeune et en bonne santé pour trouver sa place, pour faire entendre sa voix, pour exister ?
RONI BEN ARI, lauréate en 2013 du 1er prix du World Wide Photography Gala Awards, a tenté, dans son projet « TILL THEIR VOICES STOP », de rendre à des pensionnaires d’une maison de retraite, très affaiblis physiquement et/ou psychologiquement, « leur voix emprisonnée, retenant des cris étouffés à la recherche de mots et de sens », avant qu’elles ne s’éteignent à jamais.
Son projet est né d’un deuil, celui de son père. Elle avait cherché pour lui un endroit qui le prendrait en charge médicalement pour finir sa vie dignement. Mais il n’aura pas vécu jusque-là.
Saisissant les secondes et captant des détails de la vie des pensionnaires, d’une des maisons de repos qu’elle avait visité, elle a souhaité redonner à ces personnes leur identité perdue.
MEIR RAKOCZ, à travers « S.O.L - SPACE OCCUPYING LESION » nous propose sa perception de l’esthétique de la maladie, de la dissociation, et du processus de guérison. Son travail se situe dans la lignée de l’ouvrage de Suzanne Sontag « La maladie comme métaphore » qui dénonçait l’emploi de procédés métaphoriques pour parler de la maladie. Procédés qui, selon elle, découragent, réduisent au silence et rendent honteux le patient qui est atteint. Selon Suzanne Sontag, les choses doivent être présentées telles qu’elles sont sans artifices, pour les rendre acceptables et se préparer à les vivre.
Meir Rakocz joue avec la fatalité et avec la morbidité, pour banaliser et rendre visible ce que l’on cache par pudeur ou par peur du rejet de l’autre.
A la fois médecin et patient atteint d’un cancer, le photographe s’est aussi interrogé dans cette série sur le rapport du médecin au patient et aux rôles ambigus qu’ils peuvent se donner : SAUVEUR, AGRESSEUR OU VICTIME.
L’ idée du procédé métaphorique dénoncé par Suzanne Sontag pour aborder la maladie, rejoint celui du Mythe dénoncé par Simone de Beauvoir pour aborder la vieillesse :
« Les vieillards sont-ils des hommes ? A voir la manière dont notre société les traite, il est permis d’en douter. Elle admet qu’ils n’ont ni les mêmes besoins ni les mêmes droits que les autres membres de la collectivité puisqu’elle leur refuse le minimum que ceux-ci jugent nécessaire : elle les condamne délibérément à la misère, aux taudis, aux infirmités, à la solitude, au désespoir. Pour apaiser sa conscience, ses idéologues ont forgé des mythes, d’ailleurs contradictoires, qui incitent l’adulte à voir dans le vieillard non pas son semblable mais un autre. Il est le sage vénérable qui domine de très haut ce monde terrestre. Il est un vieux fou qui radote ou extravague. Qu’on le situe au-dessus ou en dessous de notre espèce, en tout cas on l’en exile. Mais plutôt que de déguiser la réalité, on estime encore préférable de radicalement l’ignorer : la vieillesse est un secret honteux et un sujet interdit. » La Vieillesse, Gallimard, Paris, 1970.
Pour ces deux grandes écrivaines les sujets doivent donc être abordés frontalement et avec réalisme.
Le travail de Roni Ben Ari et celui de Meir Rakocz permettent d’aborder la différence par l’angle de l’acceptation. Ils forcent notre regard sur des personnes, des situations qui nous poussent parfois à détourner les yeux, soit par indifférence, soit parce qu’elles nous mettent mal à l’aise.
Pourtant la vieillesse et la maladie font partie de la vie, et par leur approche différente, les artistes nous poussent à accepter ces deux états comme étant le reflet de notre humanité.