Interview d’Adrienne Lee
par Florence Valabregue
printemps été 2020
Adrienne Lee - qui enjambe les disciplines et les continents – Europe, Asie, Amérique – est étudiante en dernière année en art et neurosciences au Davidson College aux Etats-Unis et a dû, comme beaucoup d’entre nous, changer le cap de ses projets pour adapter ses études et son art aux contraintes imposées par la COVID_19.
Pourrais-tu m’en dire un peu plus sur ton parcours ?
Ou en sont tes études ?
Actuellement en dernière année au Davidson College aux Etats-unis, j'étudie l'art en atelier comme matière principale et les neurosciences comme matière secondaire. Quand j’étais plus jeune, je m’amusais à faire le compte des écoles que j’ai fréquenté dans ma vie. Si mes calculs sont exacts, Davidson est ma douzième école. Je ne sais vraiment pas comment ma scolarité pourrait être interprétée par quelqu’un d’autre.
Tes passions ?
J'aime partager des moments inoubliables avec les autres ; il y a beaucoup à apprendre de leurs passions. Lorsque je me remémore ces souvenirs, je les exprime le plus sincèrement possible dans mon art. J’adore intégrer cette sincérité dans mon processus créatif.
Ta vie ?
Mon nomadisme me contraint à me fondre dans le style de vie des autres au sein d'une communauté. La question "d'où venez-vous ?" m'a toujours semblée moins intéressante qu'une salutation plus formelle. Mes valeurs fondamentales sont issues de multiples cultures et mes croyances fondamentales découlent des difficultés que j'ai dû affronter lorsque j'ai traversé des frontières.
Tu combines art et neurosciences.
Comment en es-tu venue à étudier les deux ?
Combiner les arts visuels et les neurosciences a vraiment été le moment de gloire de mon parcours d'étudiante. Mon intérêt pour les neurosciences a commencé comme un passe-temps jusqu'à ce que je réalise, que grâce à ce passe-temps, j'avais cultivé une voix personnelle dans les arts visuels.
Quelles implications les neurosciences ont t’elles sur ton art ?
De quelle(s) manière(s) ?
En tant que passionnée de neurosciences, je n’ai aucune légitimité à m’exprimer sur les recherches actuelles sur le cerveau. Cependant, je traduis des fragments de connaissance neuroscientifique en art.
Bien que le sujet de l'œuvre d'art adhère à l'idée originale que je m’étais faite des neurosciences, je m'intéresse plus particulièrement à affiner et à transformer l'œuvre d'art pour lui donner une identité unique. Je n'ai pas encore créé et finalisé un important ensemble d'œuvres qui reflètent le processus décrit ci-dessus, mais certaines de mes œuvres individuelles récentes en sont le reflet.
Comment les deux disciplines s’enrichissent elles ?
Je pense que le grand public pourrait considérer l'art et les neurosciences comme deux rues parallèles qui ne peuvent pas se croiser. Les deux disciplines se combinent pourtant dans une parfaite circularité. Si les neurosciences sont le point de départ de mes travaux, les arts visuels expriment et matérialisent mes émotions et réactions face aux connaissances spécifiques des neurosciences. Il m’arrive fréquemment de revenir à quelques notions de base neuroscientifiques avant de commencer à peindre, et vice versa. Lorsque devant mon travail le spectateur se retrouve, comme un reflet récursif- ou du moins c’est ce que j’aspire à générer à travers mes travaux.
Au début de cette « crise du coronavirus », tu étudiais à Davidson College aux USA.
Qu’étudiais tu ?
Je m'étais préparée mentalement pour ce dernier semestre à Davidson depuis le semestre précédent, lorsque j'avais étudié au Danemark. Je m'attendais à une charge de travail plus importante dans le domaine de l'art en atelier, notamment dû à un cours très important. J'étais dans le processus d’essayer de me créer une solide identité d'artiste. Bien que mon travail ait été interrompu par les circonstances de COVID-19, j'ai trouvé une nouvelle façon de créer.
Quelles ont été les implications concrètes de cette crise et plus particulièrement sur tes études dans le collège ?
Tes déplacements ?
J'avais reçu une bourse Fujita de mon Université pour me rendre en France dans le cadre d’un projet artistique que j'avais préparé. J'avais également d'autres projets aux États-Unis comme visiter des lieux de recherche interdisciplinaire en art visuel et neurosciences. Je me souviens avoir été anéantie lorsque j'ai su que mes plans préparés des mois à l'avance seraient annulés. C'est un sentiment étrange de voyager dans le temps - avant le COVID-19 - et de me rappeler le genre d’objectifs que je voulais réaliser pour cette année.
Ton isolement ?
Je ne pense pas avoir jamais été plus honnête avec moi-même. Que ce soit en cuisinant, en lisant, en faisant du jogging ou de l'art, les activités quotidiennes que je réalisais pour moi-même me semblaient plus conformes à ma définition personnelle de la satisfaction ou du bonheur en général.
Ton art ?
J'ai écrit un court travail de prose pour Davidsonian - le journal en ligne de mon collège - et je pense que cela pourrait vous donner plus d'informations : voir ici
As tu utilisé de nouvelles techniques ?
Mes techniques étaient centrées sur la viscosité des matériaux, comme la fluidité de l'aquarelle et de la pâte acrylique ou d'autres supports solubles. J'ai été pinspirée par des compositions que j'ai observées dans la nature et que j'ai retranscrites sou forme de photographies.
De nouveaux sujets d’inspiration ?
Je me suis récemment replongée dans la littérature sur les neurosciences, ce qui m'a fait remarquer des formes neuronales dans la nature, reproduites dans l'environnement arboricole. J'ai récemment commencé une collection de photographies d'arbres. Je ne suis en aucun cas une photographe et je considère ces photographies comme un journal personnel.
Pourrais-tu me présenter quelques-unes de tes réalisations ?
Dirais-tu que les contraintes imposées par ce « confinement » ont été positives ou négatives ? En quoi ?
J’ai créé dans la solitude : sous la contrainte de la distanciation sociale et dans une liberté inimaginable pour réorganiser mes pensées. Je faisais de l'art dans ma chambre de dortoir, mon exploration artistique était donc beaucoup plus limitée que dans un atelier d'art typique. Je ne pense pas que ma "nouvelle normalité" ait été particulièrement positive ou négative ; j'ai trouvé dans ma pratique artistique de nouvelles pistes pour incorporer des matériaux de collage dans une œuvre hybride de dessin et de peinture. Si je n’avais pas été seule, je n’aurais probablement pas eu la patience de m’intéresser à des compositions complexes.