De retour d’un voyage à New York l’année dernière Faé A. Djéraba, plasticienne et photographe , a été frappée par l’uniformisation des relations que nous entretenons les uns avec les autres, d’une ville, d’un pays, d’un continent à l’autre… le smartphone vissé aux mains, extension de l’être, le regard vers une boite virtuelle, les selfies...
Le phénomène des réseaux sociaux et de la virtualisation de nos relations questionne à plus d’un titre, notamment dans la manière dont ils nous transforment et transforment notre lien à l’autre.
Elle-même utilisatrice de tous les réseaux dématérialisés que la technologie nous offre, a saisi à ce moment précis à quel point cela nous transformait et posait des questions fondamentales de liberté et d’identité personnelle. De là est né le projet GENS VIRTUEL CIRCUS : Histoires croisées
Ce grand cirque virtuel global, qui pousse paradoxalement à l’individualisme dans ses aspects les plus outranciers a amené l’artiste à reprendre les fondements de notre rapport au monde, à notre quotidien.
Le projet est composé de 19 séries polaroid déclinées en diptyques et en triptyques et poliptyques
Chacune des 19 séries présentées par l’artiste traverse notre condition humaine et virtuelle. Elle explore l’humain en tant qu’être social et sensible à travers les thèmes de la rencontre, de l’amitié, de l’image de soi, de la séduction, des émotions, de l’enfance, du théâtre, de la musique, des aspirations ou encore des craintes…
A travers son projet, Faé A. Djéraba ne se positionne pas contre la technologie, qu’elle considère comme un outil formidable à notre service. Cependant, pour l’artiste, elle ne doit pas substituer nos rapports virtuels à notre identité, ni aux merveilles du monde tangible.
Faé A. Djéraba a utilisé un mannequin rouge comme objet récurrent et personnage principal de ses œuvres,symbole pour l’artiste de notre uniformisation et image spéculaire de l’individu en mutation. Les autres mannequins blancs et sans tête sont des présences neutres, métaphores de ce qui nous entoure, que l’on sent mais que l’on ne voit pas. Les modèles vivants sont masqués, leur identité cachée, leur comportement désinhibé.
Pour l’artiste le Polaroid (IMPOSSIBLE I-1 et Instax ) est une extension de son imaginaire. L’utilisation de cette péliculle instantannée se révèle comme une suprise à chaque cliché, qui doit être accepté tel qu’il est.
Le territoire également est un sujet très important pour Faé A. Djéraba. L’artiste italo - franco - tunisienne réside en Italie depuis 30 ans, à Finale Ligure en Ligurie qui est la scène de son théâtre intérieur. Chacune de ses séries a été réalisée dans un endroit spécifique que l’artiste explore régulièrement.
Pendant la période difficile que nous traversons, ce monde virtuel s’est avéré précieux pour garder le lien avec nos proches, pour développer des formes créatives de solidarité... Cependant ce confinement forcé, nous a fait ressentir, peut-être pour longtemps, le besoin impérieux d’être avec l’autre. Pour l’artiste “On se doit de vivre dans notre temps et de trouver cet équilibre, satisfaisant respectueux de l'individu et de notre environnement.”
Marie-Cécile Berdaguer - Margalit Berriet
commissaires de l’exposition