Du 13 novembre au 18 décembre 2021, Mémoire de l’Avenir présente Habités par la peur, le dernier projet photographique de l’artiste italienne Riccarda Montenero.
« La peur ne nous abandonne jamais : enfant ou adulte, nous sommes constamment habités par la peur. La peur est un sentiment obscur, profond et puissant en raison de sa capacité à conditionner les subjectivités et même le sentiment commun. » RM
Ce sentiment, aux causes ou aux objets multiples, touche à la fois les processus cognitifs et les représentations sociales. Résultat d’un danger pour son intégrité physique ou psychologique, résultat d’un emballement collectif, de manipulations, liés à tel ou tel sujet, l’emprise de la peur peut produire des comportements d’exclusion, de violence, des postures conformistes soumises à l’autorité nous dit Denise Jodelet, spécialiste des représentations sociales. Elle poursuit « Cela ne doit pas empêcher de se tourner vers les potentialités de résistance et d’innovation des citoyens (…). Cela passe par la force des idées, des représentations et des imaginaires qui donnent forme et matière à des visions alternatives ».1
C’est précisément la recherche qui est au cœur de l’œuvre de Riccarda Montenero : créer des lieux de résistance par la force de propositions visuelles. Des lieux de résistance à la violence et au rejet, sujets récurrents dans son travail, à l’égard des êtres en position de « fragilité». Riccarda Montenero les choisit comme modèles pour dire les processus de violence auxquels ils sont confrontés, sans jamais les victimiser et pour rappeler la force qui est la leur.
Dans ce travail, c’est le corps d’une personne âgée qui vient par ses gestes incarner les formes de peurs et d’oppositions qui lui sont faites. Entre replis et tensions ce projet se déploie en cinq séries : les Gestes de la peur, le Désir qui se brise, le Mutisme du mot, la Panique du corps et la Loi du poing.
Cette subdivision répond d’abord aux besoins de l’artiste de mettre en scène la peur sous la pluralité de ses aspects, à la fois physiques et mentaux, qu’elle théâtralise par un travail sur la couleur et le noir et blanc, dans un espace tridimensionnel.
Le travail en séquence lui permet également de développer une narration à la fois pour inscrire le geste dans une durée et pour ancrer l’esprit du spectateur dans un scénario, afin qu’il s’engage dans une confrontation à ses propres peurs.
Riccarda Montenero a proposé à la réalisatrice Teresa Scotto di Vettimo, de porter son regard sur son travail. Elle présente au sein de cette exposition le court-métrage Habillés par la peur : vision d’un visiteur ordinaire interprété par Laurent Borel et en collaboration avec Riccarda Montenero.
Dans le cadre de cette exposition se tiendra le 11 décembre prochain à 18h la performance Alpha Bêta Sarah d'après le roman de Constance Chlore avec le danseur David Pisani, la chanteuse pop Rosie not Rosie, la création sonore de Romain Pangaud et la lecture de Constance Chlore. Sur fond de violences intrafamiliales, la performance Alpha Bêta Sarah se déploie autour du rêve lumineux d'Ernest d’apprendre à voler comme un oiseau.
Le livre du projet sera disponible à la vente pendant l’exposition et en dédicace le soir du vernissage le vendredi 12 novembre.Publié aux éditions Impremix, 2021, il comprend l'ensemble du projet photographique de l'artiste avec les textes de Christian Gattinoni, Isabelle de Maison Rouge, Roberto Mutti et Teresa Scotto di Vettimo.
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1 Jodelet, Denise. « Dynamiques sociales et formes de la peur », Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 12, no. 2, 2011, pp. 239-256.
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-de-psychosociologie-2011-2-page-239.htm