Mémoire de l’Avenir présente « Sous le Pli » / « Under Wraps » une exposition de l’artiste américaine Suki Valentine qui explore à travers son dernier projet les récits cachés, personnels et collectifs en interrogeant leur impact sur la construction de l’identité de soi et du groupe social.
« Sous le Pli » / « Under Wraps » se déploie autour de 2 corpus d’œuvres et de recherche de l’artiste, l’un lié au silence de l’Histoire et l’autre au silence de l’individu ou de la famille.
« Tant que les lions n’auront pas leur propre histoire, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur », Chinua Achebe 1
A travers son premier corpus, l’artiste s’attaque à l’histoire officielle des Etats Unis et appréhende dans son travail des récits récemment révélés liés notamment à l’esclavage, au racisme, à la violence institutionnalisée et au rôle, longtemps tu, des personnes sous domination dans l’histoire du progrès social et économique du pays. La série Open Secrets de cartes postales en cuivre est un écho aux enquêtes récentes sur l’esclavage par le New York Times à travers son projet 1619 2, à celles sur les violences systémiques envers les femmes, ainsi qu’aux "pensionnats indiens" ou internements forcés des natifs américains, révélés notamment par l'activiste et auteur amérindien Thomas King dans son livre, The Truth About Stories. Ces cartes postales, gravées selon les techniques traditionnelles de ciselage à la main comportent une combinaison de texte et d’images. A travers cette série l’artiste superpose l’Americana 3 avec des contres-récits qui viennent convoquer une nouvelle lecture et écriture de l’histoire.
A côté de cette œuvre, l’artiste présente Hidden In Plain Sight : #SayHerName, une série de fleurs en papier de riz qui renferment dans leurs pétales le nom de femmes africaines-américaines assassinées par la police et questionne l’intersectionnalité 4 des violences, et leur invisibilité.
Si ce travail porte principalement sur l’histoire américaine, l’écho est familier en Europe avec la colonisation notamment, et résonne bien au-delà, car l’histoire de la domination est chevillée à l’histoire des êtres humains.
Dans le deuxième corpus Under Wraps entièrement textile, l’artiste s’intéresse aux récits et aux secrets personnels. Si l’on sait que le secret est ambivalent, tantôt constructif ou protecteur, il peut également être nocif ou destructeur; c’est ce que notamment la psychogénéalogie a pu révéler en établissant des rapports possibles entre l’état physique, psychique et l’histoire familiale.5
Pour cette œuvre l’artiste collecte depuis plus d’un an des récits auprès de son entourage ou de sources anonymes. Afin de rendre compte de la vulnérabilité de ces histoires intimes, l’artiste les brode sur des mouchoirs en tissu et les coud à l’intérieur de vêtements anciens (robes, culottes bouffantes de l'époque victorienne, gaines et autres sous-vêtements) composés de multiples couches de tissus, parfois volontairement rajoutées par l’artiste pour évoquer cette sensation d’enfouissement liée au secret. Le visiteur est invité s’il le souhaite à manipuler les œuvres textiles pour en découvrir les secrets. Participez à l'oeuvre en cours Under Wraps
En choisissant de mettre en miroir les récits personnels et collectifs, l’artiste nous invite à une mise en perspective plus large pour appréhender l’influence réciproque des uns sur les autres, dont les mouvements récents #metoo ou #blacklivesmatter ont pu être des révélateurs.
Marie-Cécile Berdaguer - Margalit Berriet
Commissaires de l'exposition